TRANCHES DE VIE D'UNE LUPIQUE

TRANCHES DE VIE D'UNE LUPIQUE

Paul Verlaine (1844- 1896 )

Paul Verlaine (1844- 1896 )

 

« De la musique avant toute chose,… De la musique encore et toujours !… »

 
Il est un des poètes les plus chers à notre cœur. Ne cherchons pas chez lui la puissance de la forme ou de l'imagination : il s'accompagne de la guitare ou du violon et nous chante la mélancolie et le regret. Il a su nous donner l'expression la plus musicale, la plus tendrement mystérieuse...

 

Nevermore

 
Souvenir, souvenir, que me veux-tu ? L'automne
Faisait voler la grive à travers l'air atone,
Et le soleil dardait un rayon monotone
Sur le bois jaunissant où la bise détone.

 
Nous étions seul à seule et marchions en rêvant,
Elle et moi, les cheveux et la pensée au vent.
Soudain, tournant vers moi son regard émouvant :
«  Quel fut ton plus beau jour ? » fit sa voix d'or vivant,

 
Sa voix douce et sonore, au frais timbre angélique.
Un sourire discret lui donna la réplique,
Et je baisa sa main blanche, dévotement.

 
- Ah ! les premières fleurs, qu'elles sont parfumées !
Et qu'il bruit avec un murmure charmant
Le premier oui qui sort de lèvres bien-aimées !

 

Vœu

 
Ah ! les oaristys ! les premières maîtresses !
L'or des cheveux, l'azur des yeux, la fleur des chairs,
Et puis, parmi l'odeur des corps jeunes et chers,
La spontanéité craintive des caresses !

 
Sont-elles assez loin toutes ces allégresses
Et toutes ces candeurs ! Hélas ! toutes devers
Le printemps des regrets ont fui les noirs hivers
De mes ennuis, de mes dégoûts, de mes détresses !

 
Si que me voilà seul à présent, morne et seul,
Morne et désespéré, plus glacé qu'un aïeul,
Et tel qu'un orphelin pauvre sans sœur aînée.

 
O la femme à l'amour câlin et réchauffant,
Douce, pensive et brune, et jamais étonnée,
Et que parfois vous baise au front, comme un enfant !

 

Chanson d'automne

 
Les sanglots longs
Des violons
   De l'automne
Blessent mon cœur
D'une langueur
   Monotone


Tout suffocant
Et blême, quand
  Sonne l'heure,
Je me souviens
Des jours anciens
   Et je pleure ;

 

Et je m'en vais
Au vent mauvais
   Qui m'emporte
Deçà, delà
Pareil à là
   Feuille morte.



Écoutez la chanson bien sage.


Écoutez la chanson bien douce
Qui ne pleure que pour vous plaire.
Elle est discrète, elle est légère :
Un frisson d'eau sur de la mousse !

 
La voix vous fut connue (et chère ?),
Mais à présent elle est voilée
Comme une veuve désolée,
Pourtant comme elle encore fière,

 
Et dans les longs plis de sont voile
Qui palpite au brises d'automne,
Cache et montre au cœur qui s'étonne
La vérité comme une étoile.

 
Elle dit, la voix reconnue,
Que la bonté c'est notre vie,
Que de la haine et de l'envie
Rien ne reste, la mort venue.

 
Elle parle aussi de la gloire
D'être simple sans plus attendre,
Et de noces d'or et du tendre
Bonheur d'une paix sans victoire.

 
Accueillez la voix qui persiste
Dans sont naïf épithalame.
Allez, rien n'est meilleur à l'âme
Que de faire une âme moins triste !

 
Elle est en peine et de passage,
L'âme qui souffre sans colère,
Et comme sa morale est claire !…
Écoutez la chanson bien sage.

 

 



05/12/2006
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