TRANCHES DE VIE D'UNE LUPIQUE

TRANCHES DE VIE D'UNE LUPIQUE

Sophia de Mello Breyner (1919-2004)

Sophia de Mello Breyner (1919-2004)

 

 

L'une des principales figures de la littérature portugaise du XXe siècle, l'écrivain et poète Sophia de Mello Breyner Andresen est décédée à l'âge de 84 ans.

Originaire de Porto (nord), où elle était née à 6 novembre 1919, Sophia de Mello Breyner laisse une oeuvre abondante: 17 livres de poésie, neuf anthologies, 13 livres de prose dont un certain nombre de contes pour enfants ainsi que des essais et des pièces de théâtre.

Ses ouvrages ont notamment été traduits en français, chinois, anglais, italien et néerlandais. Elle même avait traduit de nombreux auteurs en portugais, notamment Dante, Shakespeare et Paul Claudel.

Parmi les nombreux prix qui ont émaillé sa carrière, Sophia de Mello Breyner s'était vu décerner en 1999 le Prix Camões, la plus haute distinction de la littérature de langue portugaise, avant de recevoir en 2001 le prix de poésie Max Jacob en France pour son anthologie "Malgré les ruines et la mort". En 2003, elle recevait le Prix Reine Sophie d'Espagne pour l'ensemble de son œuvre. "Sophia est un nom qui rime avec  poésie.

Sa disparition est une perte non seulement pour la littérature portugais mais pour les lettres mondiales.


Bebido o luar

Bebido o luar, ébrios de horizontes,
Julgamos que viver era abraçar

O rumor dos pinhais, o azul dos montes

E todos os jardins verdes do mar.

            Mas solitários somos e passamos,
            Não são nossos os frutos nem as flores,
            O céu e o mar apagam-se exteriores

            E tornam-se os fantasmas que sonhamos.

            Por que jardins que nós não colheremos,
            Límpidos nas auroras a nascer,
            Por que o céu e o mar se não seremos
            Nunca os deuses capazes de os viver.


Bu le clair de lune

            Bu le clair de lune, ivrognes d'horizons,
               
Nous jugeons que vivre était enlacer
            La rumeur des sapinières, le bleu des monts

            Et tous les jardins verts de la mer.

            Mais solitaires nous sommes et passons,
            Ne sont pas à nous les fruits ni les fleurs,
            Le ciel et la mer s'effacent extérieurs
            Et deviennent les fantômes que nous rêvons.

            Pour que jardins qui nous ne récolterons,
            Limpides dans les aurores à lever,
            Pour que le ciel et la mer où nous ne serons

            Jamais les dieux capables de les garder.



QUAI


Vers une mer nocturne s'en vont les navires,
Vers une mer nocturne intense et bleue
comme le cœur de la méduse
comme l'intérieur de l'anémone.
Naturellement
Simplement
Sans destruction et sans poèmes,
Vers une mer nocturne pourpre de poissons
Sans destructions et sans poèmes
Hantés par des myriades de lumières
Vers une mer nocturne s'en vont les navires.
Ils s'en vont
Leur cri rauque appartient à celui qui reste
Sur le quai divisé et mutilé
Et qui, entouré de poèmes, détruit, s'étonne.


 CAIS

Para um nocturno mar partem navios,
Para um nocturno mar intenso e azul
Como um coração de medusa
Como um interior de anémona.
Naturalmente
Simplesmente
Sem destruição e sem poemas,
Para um nocturno mar roxo de peixes
Sem destruição e sem poemas
Assombrados por miríades de luzes
Para um nocturno mar vão os navios.
Vão
O seu rouco grito é de quem fica
No cais dividido e mutilado
E destruído entre poemas pasma.


Níobe transformada em fonte

(adaptado de Ovídio)

Os cabelos embora o vento passe
Já não se agitam leves. O seu sangue,
Gelando, já não tinge a sua face.
Os olhos param sob a fonte aflita.

Já nada nela vive nem se agita,
Os seus pés já não podem formar passos,
Lentamente as entranhas endurecem
E até os gestos gelam nos seus braços.

Mas os olhos de pedra não esquecem.
Subindo do seu corpo arrefecido,
Lágrimas lentas rolam pela face,
Lentas rolam, embora o tempo passe.


Níobe transformé en source


Les cheveux bien que le vent passe
Plus maintenant s'agitent légers. Son sang,
Gelée, plus maintenant teint sa face.
Les yeux s'arrêtent sous la source angoissée.

 
Déjà rien dans elle ne vit ni s'agite
Ses pieds ne peuvent plus former des pas,
Lentement les entrailles se durcissent
Et même les gestes gèlent dans ses bras.

 
Mais les yeux de roche n'oublient pas.
En montant de leur corps refroidi,
Larmes lentes roulent par la face,

Lentes roulent, bien que le temps passe.






26/09/2006
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