TRANCHES DE VIE D'UNE LUPIQUE

Ce matin là, elle se regarde encore une fois, cherchant se reconnaître ou trouver au moins quelques traces qui lui seraient familiers… peine perdue. Elle ne pourrait plus dire qui elle était ; tout d’elle avait disparue.

Sur son visage, autre fois rayonnante, on ne voyait que deux orbites excavées au regard vide, profondément vide, sans humidité ni éclat. Des joues rouges, vergetées. Un nez gonflé ressemblant à une fraise pourrie et des lèvres pâles retombantes ; d’où aucun sourire ne semblait pouvoir s'échapper.

Comment croire encore pouvoir être aimée, si même elle sentait de la répugnance, vis à vis de cette caricature de méchante sorcière de conte de fée… Tout son être était un terrible tas de gel. Comment expliquer à quelqu’un de normal, ce que se passait au fond d’elle : ce flou, ces refus, cette haine chargée de souffrance et d’incompréhension… ce néant ! Si elle n’arrivait plus à s’aimer, comment les autres pourraient lui donner un peu d’affection ou de tendresse...

Que de temps perdu à inculquer la tolérance et le respect d’autrui…avoir tout donné et continuer, pour ne recevoir que meurtrissures… Le trou s’approfondit de plus en plus et l’aspire indolent.

Que fait-elle encore là ? ! Dans cet espace pour qui elle est hostile… A-t-on ce qu’on mérite ? Sûrement et elle ne mérite pas plus que ce qu’elle reçoit. 

C’est à ce moment qu’elle a compris, pourquoi bien des années auparavant, on lui avait conseillé de trouver un maquillage camouflant.

Se cacher…

Pourrait être la solution. Du monde extérieur pas de problème. Mais comment se cacher dans la maison… de ceux qui l’entourent, même si elle passe inaperçue, elle est encore présente… Et d’elle ?! Retirer les miroirs ne serait pas suffisant… Aménager un petit espace où elle pourrait se faufiler, discrètement, quand quelqu’un entre…

Imbécile. Le silence ne te suffit pas…